Christiane Ragot – Aide à domicile
Entretien mené par Flora Vincent, le 24 février 2022 à la Maison du Lien de de la solidarité, Maxéville.
1. Pouvez-vous décrire votre travail ? (Ses atouts, difficultés, représentations dans la société actuelle avec notamment les stéréotypes et préjugés ?)
Je travaille depuis 15 ans en tant qu’aide à domicile.
Être aide à domicile déjà, c’est une présence. Quand les personnes sont toutes seules, il y a déjà une présence matin, midi et soir ou plusieurs fois dans la semaine. Si la personne est toute seule, au moins il y a quelqu’un qui vient chez elle. Et puis elle nous raconte ses histoires de famille ou quoi que ce soit, on est des confidentes.
Les atouts de ce métier sont le fait de donner le sourire aux gens qui ont besoin de nous dans la vie quotidienne que ce soient la toilette, le ménage, le fait de manger, le repassage, les courses, l’accompagnement.
Les inconvénients c’est que parfois c’est dur parce que la personne n’est pas commode ou alors elle est beaucoup handicapée et ne se laisse pas faire, on n’est pas beaucoup payés. Et surtout le salaire car par rapport à ce qu’on a fait dans le mois, on n’est pas beaucoup payés, ce serait bien qu’on soit payés un peu plus.
Les gens feraient plus ce métier si on était mieux payés, si c’est pour se lever tous les matins et gagner une misère, les gens préfèrent rester au lit d’autant plus avec les transports et l’essence qui augmente.
C’est un métier plaisant, il faut aimer les personnes âgées et le contact pour faire ce métier, c’est sûr que c’est dur de toute façon, parfois c’est toute la journée, ou alors on a des horaires coupés. On fait des longues journées, mais il y a des métiers plus durs quand même, comme ceux qui travaillent dehors, nous on est au chaud déjà. C’est un métier plaisant de s’occuper des personnes, et puis elles ont besoin de nous, c’est ce qu’il faut se dire.
Ce qui est aussi difficile c’est qu’on est parfois confrontés aux décès de certaines personnes, c’est dur, on ne doit pas s’attacher aux gens dans ce métier mais c’est dur de ne pas s’y attacher. Quand ça fait x temps que vous les voyez tous les jours et qu’un jour c’est la fin, ça fait mal, on doit vivre avec.
J’aime bien ce métier, je n’ai pas l’impression de travailler, on passe d’une personne à une autre, quand on a besoin de quelque chose on appelle pour nous diriger et dès qu’on a un problème, ils [les responsables travaillant à la ville de Maxéville/Corinne Genin en l’occurrence] sont là.
J’ai environ 7 à 8 interventions par jour, avec un emploi du temps qui change très régulièrement. Pour nous, ce n’est pas tellement une difficulté mais pour les personnes qui attendent c’est perturbant, elles se demandent pourquoi ce n’est pas la personne prévue qui arrive alors on explique la situation, si par exemple la personne est malade, d’autant plus que quand on est malade on ne veut pas contaminer les usagers alors on est obligés de s’arrêter.
J’espère continuer ce métier encore des années si ma santé me le permet car c’est quand même un métier qui a des répercussions sur la santé : les genoux, le dos, les bras, on a mal partout, à un moment, on ne peut plus se mettre à quatre pattes pour faire les plinthes c’est fini. On est là pour aider les personnes âgées alors si nous on est âgés et qu’on vient aider quelqu’un, c’est compliqué. Se mettre à genoux, se mettre accroupi, le dos, l’arthrose, on fait comme on peut.
Ce serait bien d’avoir plus d’hommes dans ce métier, quand on a des hommes un peu costauds, c’est bien car nous les femmes on n’a pas la même force. Et puis, avec un homme, ça peut passer mieux parfois avec certains usagers.
2. Qu’est-ce qui vous motive dans votre emploi ?
Ce qui motive dans mon emploi c’est de voir les gens qui ont la banane parce qu’ils sont contents de nous voir. Au moins on voit qu’ils nous attendent, ça fait plaisir.
Ce que j’aime le plus c’est le contact avec les personnes. J’aime bien faire l’entretien du logement aussi car les gens sont contents, ils sont reconnaissants de ce qu’on fait, ils ont un grand sourire, nous remercient.
3. Comment votre métier a-t-il évolué par rapport au covid ? Comment percevez-vous votre métier dans 10 ans ou dans 20 ans ?
Pendant le confinement, on n’a de toute façon pas arrêté nous, on était obligés car les gens qui ont besoin d’aide pour manger, on est obligés de les soutenir. Sinon, avec le covid, on est évidemment obligés de mettre les masques, les gants, enfin de se protéger plus. Alors pour les personnes qui ont des problèmes d’audition, avec les masques c’est embêtant. Mais autrement, on fait attention et on garde plus nos distances donc il y en a qui ne comprennent pas car ils aiment bien les petits câlins, ils ont besoin de contacts physiques donc c’est dur.
Les personnes âgées écoutaient beaucoup la télé donc j’ai géré les peurs comme d’habitude avec des paroles, avec des gestes amicaux et puis on fait plus attention à eux, on les écoute plus. Ils avaient beaucoup besoin de parler, d’écouter, ils nous posaient des questions.
Beaucoup de personnes ne sortaient pas avant le covid déjà donc ils n’avaient pas plus besoin de nous que d’habitude, ceux qui sortaient avaient besoin de nous pour faire des courses, tout ça mais les plus anciens ne sortaient pas donc pour eux ça n’a pas trop changé, et on allait tous les jours chez eux quand même donc pour eux ça n’a pas changé.
Par ailleurs, j’espère qu’on aura plus de reconnaissance par rapport à tout ce qu’on fait car parfois on en fait autant que les aides-soignantes.
On était là comme les soignants pendant le confinement, on a travaillé aussi mais on n’a pas été applaudis comme les aides-soignantes et tout ça, pourtant on était sur le champ aussi et puis avec la crainte aussi, la crainte d’attraper ou de transmettre la maladie. On s’occupait aussi évidemment des personnes malades [du COVID], heureusement on n’en a pas eu trop sur Maxéville.
Les personnes nous remerciaient d’être là alors qu’on ne pouvait plus sortir, ils avaient besoin de nous pour manger ou même se lever, on était obligés d’y aller et ils étaient très reconnaissants.