Nathalie Spak – Assistante maternelle
Entretien mené par Flora Vincent, le 21 février 2022 au domicile de Madame Spak.
1. Pouvez-vous décrire votre travail ? (Ses atouts, difficultés, représentations dans la société actuelle avec notamment les stéréotypes et préjugés ?)
C’est un métier que je fais avec passion, c’est un métier qu’il faut faire avec passion. Il faut aimer s’occuper des enfants, il faut aimer leur apporter quelque chose, il faut aimer prendre soin d’eux.
Ce n’est pas un métier qu’on fait pour rester tranquillement à la maison ou par dépit parce qu’on ne trouve pas d’autre travail. C’est vraiment quelque-chose qu’il faut faire avec passion, avec envie, avec amour surtout.
Les difficultés c’est surtout de trouver de nouveaux contrats, de plaire aux parents car quand les parents viennent chez vous, ils ont une idée bien précise de la personne qu’ils recherchent.
Les difficultés c’est aussi d’être quand même seule à la maison, de tout gérer. Après nous, à Maxéville on est quand même bien, bien, bien entourées. La coordinatrice de la petite enfance, Sylvie Perroux, qui est tout le temps là pour nous, qui est tout le temps là pour nous aider, à n’importe quel moment on peut l’appeler, nous renseigner. Elle fait vraiment tout pour nous, elle est formidable. Corinne Pelte est très bien aussi mais on sait que ça va être juste en remplacement puisque Sylvie va revenir et Sylvie ça fait depuis 2013 qu’elle est là, qu’on la connait, elle a toujours été de bon conseil, elle a toujours été présente.
Alors les difficultés, de l’isolement peut-être mais toujours Maxéville propose aux assistantes maternelles des activités gratuites la semaine donc ça c’est super important parce-que ce n’est pas partout pareil. Moi j’ai discuté beaucoup sur les forums avec d’autres assistantes maternelles, même dans les autres départements, et ce n’est pas partout pareil. Par exemple le mercredi matin, on peut aller à la ludothèque, c’est entièrement gratuit, on peut emprunter des jeux, faire comme tout le monde quoi. On va au parc qui est super aménagé, qui est vraiment bien, toujours propre, toujours entretenu. Donc le lundi on pouvait aller à Marie Marvingt pour la motricité, ça a été un peu décalé au niveau des jours mais c’est normal, il y a d’autres personnes aussi. Mais il y a toujours quelque-chose à faire, Maxéville propose toujours des choses.
Je trouve que certains parents et les gens autour dévalorisent ce métier quand même, ils nous prennent pour des gardiennes, moi j’ai déjà entendu « oh t’es pas trop fatiguée toi, t’es à la maison », « oh oui mais si t’as envie de te mettre assise, tu peux te mettre assise », alors heureusement je vais pas rester debout toute la journée quand même, « oui mais si tu veux boire un café, tu peux en boire un », moi je bois un café quand les enfants sont à la sieste, l’après-midi, je me pose et encore, quand me pose, je vais chercher mes activités sur internet. Mais effectivement, c’est là-dessus qu’il faudrait que les élus essayent de faire quelque-chose pour valoriser ce métier. Comme j’ai dit, ce n’est pas le fait de nous voir avec des yeux étoilés, non pas du tout, ce n’est pas ça. C’est comme, par exemple, femme de ménage, qui s’appelle désormais technicienne de surface mais pour certaines personnes ça reste une femme de ménage, c’est-à-dire la personne qui passe le balai, bah oui mais si la personne là on ne l’a pas pour passer le balai, bah c’est sale, on a besoin de tout le monde, tous les métiers sont utiles. Peut-être que la femme de ménage on ne lui a pas donné la possibilité de faire des études quand elle était jeune, peut-être qu’on n’a pas eu la possibilité de faire ce qu’on voulait parce-que la vie fait que on est dans des familles où il faut vite grandir, il faut vite travailler et on n’a pas le choix. Moi j’ai le CAP petite-enfance, j’ai le baccalauréat de langues et je suis assistante maternelle et j’en suis très fière. Quand je le dis, les gens sont étonnés : « ah vous avez le BAC », « Ah vous avez le CAP petite-enfance », oui j’ai même eu 17 au CAP petite-enfance « ah oui quand même », eh oui quand même. Ça c’est je pense les stéréotypes que par métier, vous avez le niveau d’intelligence des gens. On sait que certains métiers, il y a besoin de plus d’années d’étude que d’autres mais ce n’est pas pour ça que je ne suis pas aussi intelligente. Ce n’est pas parce qu’on est femme de ménage ou assistante maternelle qu’on ne vaut rien, qu’on est bons juste à ça.
Comme stéréotype aussi c’est comme je suis une femme et une maman, je sais changer la couche, je sais faire à manger, je sais quoi faire s’il tombe. Et c’est pour ça que j’ai lu que deux députés voudraient qu’en 2030 il y ait 40% d’hommes dans ce métier et ça les hommes vont avoir beaucoup de mal à faire leur place, alors qu’un homme est tout à faire capable de faire ce métier, il a autant d’empathie, autant d’amour, autant de tout, à donner qu’une femme, moi je ne suis pas contre du tout. J’ai déjà vu des témoignages sur des assistants maternels mais jamais je n’en n’ai jamais connus.
Je ne pense pas que le métier souffre de ne pas avoir beaucoup d’hommes mais je pense que des hommes en souffrent, des hommes qui aimeraient faire ce métier, parce que c’est une discrimination. Comme certaines femmes qui voudraient être pompiers, les métiers là s’ouvrent aux femmes mais c’est pareil, on a connu ça en tant que femmes pour beaucoup de métiers « d’hommes ».
2. Qu’est-ce qui vous motive dans votre emploi ?
J’aime ce métier parce qu’il est très enrichissant, auprès des enfants, on apprend tout le temps. Chaque enfant est différent et vous apporte tellement d’amour, il se crée un lien et c’est ça que j’aime, c’est ce partage, un enfant il est vrai, il fait semblant, il vous aime ou il ne vous aime pas et c’est comme ça. Moi j’ai déjà rencontré des enfants, pas qui ne m’aimaient pas, mais qui avaient de la réticence, on voyait bien qu’ils ne souhaitaient pas créer le lien, alors c’était compliqué mais moi je respectais ça. Je communique beaucoup avec les parents. Donc par rapport aux enfants, c’est un lien qui est resté, je fais des vidéos pour leur anniversaire, j’ai leurs parents sur Snapchat, je suis leurs progrès, je vais les garder pour le mois d’avril. J’ai besoin de ça, d’être en confiance et que ça répercute sur les enfants car si les parents sont bien, les enfants sont bien aussi. Et j’aime ce métier car ce n’est jamais pareil, tous les jours sont différents, ça peut être très bien un jour, et un jour l’enfant est fatigué, il n’a pas envie ou alors il a très envie de faire telle ou telle chose ou est dans une phase, une phase du non, d’une rébellion. Faut s’adapter et je trouve que plus je vais dans l’âge, plus je suis posée, je me dis « ce n’est pas grave ».
Travailler en crèche est quelque chose qui m’aurait plu mais je préfère travailler à la maison car j’aime bien avoir le choix sur les parents avec qui je travaille. Il faut que j’aie le feeling avec les parents car l’enfant n’est pas né souvent quand on a rendez-vous avec les parents. Donc il faut que ce soit le feeling déjà avec les parents, moi je respecte ce que les parents me demandent, je respecte leurs volontés, leurs désirs d’éducation mais moi j’ai mes principes et si ce sont des demandes complètement aberrantes, je refuse. En presque 11 ans de métier, je n’ai dit non que deux fois.
3. Comment votre métier a-t-il évolué par rapport au covid ? Comment percevez-vous votre métier dans 10 ans ou dans 20 ans ?
Pendant le confinement, j’avais trois contrats à l’époque. J’en avais deux et j’en commençais un. Un qui a commencé le 9 mars et on était confinés le 16, quelque chose comme ça. Mais les parents ont préféré eux, avant le confinement, se confiner eux-mêmes. Le contrat courait encore mais à l’époque je n’avais que deux enfants dont une maman infirmière et un papa qui n’était pas dans le médical et a donc pu la garder, et je n’ai eu qu’un seul enfant pendant tout le confinement parce que la maman est médecin, seule et pas la possibilité de confier son enfant à sa famille car c’était le confinement. Donc j’ai dû adapter car on n’avait plus le droit de sortir comme on voulait, donc l’heure qu’on avait pour sortir était consacrée à cette petite fille, on sortait, on se promenait, moi j’ai la possibilité, j’ai le canal qui est juste à côté donc on marche le long des berges qui sont aménagées, c’est super agréable, d’aller voir les canards, les oiseaux, puis on voyait d’autres personnes surtout, enfin on croisait d’autres personnes parce-que c’était important et puis j’ai également adapté mon type de journée au confinement. Donc on pouvait plus sortir non plus, ni la ludothèque, ni les RAM ni rien. Donc j’ai mis en place un système que j’ai suivi après, après confinement quand j’ai récupéré les autres enfants. Donc les lundis, eh bien on faisait la gym à la maison puisqu’on ne pouvait plus aller à Marie Marvingt faire notre motricité, j’appelle ça la gym parce-que c’était plus drôle que de dire motricité. Donc j’ai investi dans deux structures pour faire de la motricité. Donc le lundi on faisait ça, toujours avec lecture, chansons, jeux, puzzles, toute la journée avec jeux libres etc. Le mardi, c’était activité manuelle donc je préparais le dimanche des activités pour qu’on puisse faire des activités toute la semaine mais le mardi c’était principalement activité manuelle donc sur tout et n’importe quel thème. Le mercredi, c’était pâtisserie. Le jeudi on faisait ce que j’appelle activité d’apprentissage c’est-à-dire reconnaître les couleurs, reconnaître les formes, faire des tracés de lignes, tout ce qui peut les éveiller au niveau de l’apprentissage. Et le vendredi, c’était libre alors pâte à modeler, sable magique, ce qu’elle voulait, empilements de boîtes. Alors toute la semaine on faisait ça, c’était un rituel que je mettais en place. D’habitude je fais des activités toute la semaine, tous les jours, en fonction de l’humeur de l’enfant, s’il a envie. Par exemple, *nom de l’enfant gardé actuellement* lui n’aime pas trop les activités manuelles, il n’aime pas donc on fait autre chose, tous les jours on fait de la pâtisserie car tous les jours il demande des gaufres, des gâteaux, des crêpes, il adore ça alors on fait de la pâtisserie. Dès qu’il a envie, il dit de la peinture, pâte à modeler, c’est lui qui décide.
C’est vrai qu’en faisant ce principe de semainier, c’était aussi pour que la petite ne voie pas trop ce qui se passait autour, enfin que ça ne change pas trop pour elle mis à part qu’on ne peut plus se déplacer et aller au RAM [Relais assistant maternel] ni à la ludothèque par exemple. C’était un peu pour qu’elle ait un bien-être quand même par exemple par rapport à ce qu’on traversait, ce qui était très compliqué parce qu’on était vraiment coupés de tout le monde.
Alors c’est vrai que dans notre métier on est déjà seule, enfin à la maison je veux dire mais là c’était vraiment compliqué. Donc il fallait vraiment qu’elle ne soit pas perdue, pour elle qu’elle ne trouve pas ça bizarre et puis elle aime les activités, elle adorait ça, elle aime toujours d’ailleurs, elle est très demandeuse. Et ensuite quand j’ai récupéré les autres enfants, j’ai continué cette semaine. Et après les enfants avaient l’habitude et ils savaient, ça s’est bien passé.
*nom de la petite fille gardée*, sa maman étant médecin, du jour au lendemain, sa maman portait le masque et appliquait d’autres choses car elle était en contact avec des gens qui avaient le covid donc du jour au lendemain des gens ne rentraient plus, c’était sur le palier car on avait reçu des directives de la PMI et du Conseil Départemental. Donc les parents ne rentraient plus, normalement c’était une boîte pour l’enfant pour qu’il pose ses affaires dedans donc elle a vu que certaines choses étaient différentes, sa maman lui a expliqué qu’il y avait une maladie, un virus donc lavage de mains beaucoup plus souvent, enfin y’a plein de choses qui ont été mises en place par rapport au protocole sanitaire et la maman lui expliquait. Donc quand elle posait des questions, je lui répondais franchement, si elle n’abordait pas le sujet, je ne lui en parlais pas, moi je trouve que ce n’était pas mon rôle ni ma place de lui expliquer les choses. Des fois si elle expliquait « ah bah on ne peut pas sortir parce-que y’a le virus » donc je lui disais « voilà y’a le virus donc on va faire autre chose, qu’est-ce-que tu veux faire » et on était parties dans autre chose parce que moi les enfants, j’estime qu’à l’âge-là, elle avait donc 2 ans, c’est bien de leur expliquer qu’il faut faire attention, se laver les mains mais même sans le virus, alors je trouvais que c’était déjà contraignant pour les enfants, port de masque pour les adultes. Donc pour finir, si elle posait une question, je lui répondais, sinon je ne l’abordais pas.
C’était très compliqué pour la maman médecin parce qu’elle voyait beaucoup de patients covid, de gens malades, on n’en parlait pas parce qu’il y a le secret professionnel quand même, elle me disait aujourd’hui j’ai eu tant de patients covid etc. donc elle était très inquiète surtout par rapport à sa fille, elle prenait toutes les précautions possibles mais elle avait peur de lui transmettre bien qu’elle prenait toutes les précautions. Sinon pour les autres parents, ils étaient très inquiets comme tout le monde. Je n’ai pas vu beaucoup de grosses appréhensions du fait qu’il savait qu’ici moi je respecte, chaque fois que j’avais un document de la PMI, du Conseil départemental, je leur transmettais, donc ils étaient au courant de tout. Le protocole que j’ai mis en place, ce n’était pas moi qui l’avais décidé, c’était très bien accepté et tout le monde a bien compris. Dans 10 ans ou dans 20 ans, moi je pense qu’il n’y aura pas vraiment d’évolution. On a beau faire ce qu’on veut, dans la tête des gens, les assistantes maternelles, nous c’est un titre qu’on nous a donné mais dans la tête des gens, on restera les nounous. On va se battre contre des moulins à vent, je pense qu’on sera au même niveau mais j’espère me tromper. Je ne vois pas le terme de nounou comme péjoratif mais moi quand je me présente je suis assistante maternelle. Ensuite, je deviens la nounou, et pour eux, pour les parents, je le sens, ce n’est pas péjoratif la nounou. La nounou est la première personne que j’ai vue quand j’ai commencé tout au début, quand elle m’a rappelée le soir la maman, elle m’a dit « c’est vous la nounou, c’est vous ». Parce qu’elle voyait en moi la nounou, donc la personne qui va prendre soin de son enfant, qui est à son écoute, qui est chaleureuse, qui a beaucoup de tendresse, qui a beaucoup d’amour à donner, qui va lui apporter quelque chose tout en étant professionnelle. On peut être nounou, avoir toutes ces qualités là et rester professionnelle parce qu’on doit respecter des protocoles sanitaires, on doit accepter les attentes des parents, respecter ce que les parents nous demandent, faire attention à l’éveil des enfants, à mettre une barrière quand même.