Véronique Mangin – Agente communale aux espaces verts
Entretien mené par Flora Vincent, le 22 février 2022 à la Maison du Lien de de la solidarité, Maxéville.
1. Pouvez-vous décrire votre travail ? (Ses atouts, difficultés, représentations dans la société actuelle avec notamment les stéréotypes et préjugés ?)
C’est un métier saisonnier, on travaille selon les saisons et la météo. Toute la période estivale, on pratique essentiellement de la tonte, de la taille, de l’entretien de massifs. On fait du suivi de végétation. L’automne, il y a énormément de ramassage de feuilles, du soufflage dans les allées, dans les parcs on fait de l’élagage, on grimpe dans les arbres. Au-dessus des parcours piétons, s’il y a des branches dangereuses, on les coupe pour que ça ne tombe pas sur quelqu’un, on fait de la prévention. On intervient aussi en forêt sur les sentiers forestiers, on entretient les sentiers forestiers. L’hiver, on fait du salage quand il y a des plaques de neige gelées sur les trottoirs. Il y a aussi beaucoup de travail sur le bois, sur les arbres. Puis j’ai aussi la particularité de prévoir le fleurissement de la saison prochaine, j’ai un petit peu de travail dans les bureaux, des commandes. Donc d’anticiper toute la flore, tout le côté esthétique, le côté embellissement de la ville par la fleur, que ce soit de la fleur annuelle ou de la fleur bisannuelle, tous les décors qu’on puisse introduire dans les massifs. Il faut des années de pratique, de la connaissance mais à partir du moment où on est allés dans une école horticole, on a déjà abordé ces sujets, ça devient très facile après, après ça se transmet, on accueille des stagiaires, il faut les initier un peu au métier.
On fait aussi des décors lors de manifestations, par exemple les vœux de monsieur le maire. Prochainement, il y a « jeux et familles en fête » donc la ludothèque ouvre ses portes pour des grandes animations donc des fois ils ont besoin de décors, des décors végétales, des tressages, des éléments de décoration, on s’attelle de plus en plus aux décors. On fait aussi des animations pour les personnes âgées, des plants de tables, des décors floraux pour les fêtes. Quand les seniors font leurs repas, ils aiment bien mettre sur les tables des centres de tables donc souvent quelques jours avant, j’emmène quelques seniors avec moi, prélever dans notre parc, dans le jardin de la ville des végétaux, après on fait un atelier art floral car j’étais fleuriste avant donc ça me permet aussi de pratiquer de ce côté-là, c’est intéressant, c’est sympa, c’est de l’animation, c’est du décor, les gens sont contents de pratiquer les centres de tables comme ça, c’est convivial, on se regroupe, enfin quand c’était plus possible surtout après la crise sanitaire.
La grosse saison de boulot c’est le printemps où il y a beaucoup de plantations, où l’on place toutes les fleurs. Et après c’est l’arrosage qui prend énormément de temps, le cœur de ville est en train de se refaire et donc on a énormément de travail d’entretien, d’arrosage, énormément de suivis de végétaux.
Notre secteur c’est Maxéville bas, Maxéville haut, Maxéville centre, après c’est pas mal découpé, enfin pas aux mêmes endroits, il faut beaucoup bouger mais c’est bien, c’est intéressant, c’est des milieux différents. Après on reste une petite équipe par rapport à la surface du terrain donc souvent on intervient en pompier, quand c’est l’heure et le moment de le faire. On ne peut pas trop anticiper notre travail. Après c’est comme ça, on est une petite équipe, on le sait, on est cinq pour toute la ville même s’il y a des terrains qui sont sous-traités aussi, les terrains de foot, ce n’est pas nous qui tondons, c’est des entreprises, les berges du canal aussi. Après ce sont des choix qu’on a faits, on ne passe pas des heures et des heures sur la tondeuse et on passe à autre chose aussi.
Le travail d’une femme aux espaces verts, ça fait 20 ans que j’y travaille et dans les 10 premières années ce n’était pas très commun, c’était beaucoup des hommes qui travaillaient aux espaces verts. Maintenant le métier se féminise au début il fallait faire sa place, montrer que l’on est aussi capable que les hommes de réparer une machine ou de faire une marche arrière en remorque. Ce sont des métiers plus masculins, il faut une bonne condition physique, il faut être sportif, il faut porter beaucoup, c’est ultra physique. Au début on mettait en doute mes capacités, même si j’avais des qualifications, dans les premiers temps il a fallu que je montre ce que je savais faire, puis après ça s’est bien passé parce-que les gars étaient plutôt sympas, je suis tombée sur des personnes bien.
C’est un travail physique, on porte énormément alors il faut à tout prix être en bonne forme physique pour pratiquer ce métier. Et puis il faut avoir la passion, on est tous les jours dehors, par tous les temps donc il faut être motivé, c’est sûr que si on craint un peu le froid, on craint un peu les conditions météo, alors c’est pas la peine. Donc il faut vraiment aimer ce métier, aimer la nature et les espaces verts et puis travailler en collectivité aussi, il faut savoir travailler en équipe, il faut savoir déléguer, faire confiance aux autres, ça aussi c’est une qualité mais bon comme dans tout métier on rencontre cette situation. Avant tout, moi je pense que c’est quand même la bonne forme physique, comme c’est un métier physique, on est en train de porter les souffleurs, on doit être équipés en matériel, il faut vraiment, pourtant je ne suis pas costaud mais c’est le mental qui me porte. Sincèrement, c’est vraiment ça, pour une femme qui veut travailler aux espaces verts, il faut avoir toujours la passion de la nature et avoir la forme physique qui va bien, si on est toutes les cinq minutes arrêté parce qu’on s’est fait un petit bobo, enfin parce qu’on s’est écorché, parce que machin, il faut pas trop en parler, enfin j’ai pas des mains de fille quoi. On agit sur différents espaces de façon différente, on pratique la gestion différenciée selon les espaces où on se trouve et autour de la mairie, c’est des espaces un peu plus soignés qu’ailleurs parce que c’est le centre-ville, c’est un peu chic et puis plus on s’écarte un peu du centre, plus la gestion est naturelle et il faut donc gérer le végétal et il faut respecter la végétation.
Je suis « homme de pied » aussi ce qui signifie que j’ai suivi une formation afin de pouvoir secourir la personne qui grimpe en cas d’accident, il faut avoir des capacités de grimpe et de secourisme ainsi que savoir manipuler pour descendre en sécurité car ce qui a le plus manqué lors de gros accidents est la présence d’une deuxième personne qui sait grimper. Même les pompiers qui viennent n’ont pas tous la capacité de grimper d’où la présence d’un « homme de pied » qui sache grimper et qui organise les branches lors de l’élagage et enlève les branches au sol pour ne pas gêner la corde et de gêne pour la fluidité de son corps, pour passer le matériel, pour définir un périmètre de sécurité et intervenir si un malaise survient par exemple. C’est passionnant, très physique, épuisant mais c’est intéressant et plein de technicité.
2. Qu’est-ce qui vous motive dans votre emploi ?
Moi je suis quelqu’un qui aime la nature, je suis issue de la campagne, je ne sais pas si c’est vraiment à cause de ça mais en tout cas j’aime la nature, les animaux, il faut vraiment avoir la passion de la nature. Et il faut tenir le métier, parce qu’il y a bien des gens qui ont fait des formations et qui au cours de leur vie changent parce que ça ne leur convient pas mais moi j’ai des formations et en plus je suis restée dans le métier donc c’était ma vraie passion, ça me convient, c’est comme ça. Par contre, on me donne la possibilité d’évoluer dans mon métier mais après ça reste derrière un bureau, organiser les équipes, à faire des commandes et ça je veux pas, c’est plus mon métier, enfin, c’est carrément un boulot de secrétaire, c’est plus du secrétariat, et ça j’aime moins, ça m’anime moins, ça me passionne moins, donc je pratique pas, enfin à moins que je fasse des petites commandes, que ce soit, d’ailleurs j’ai reçu votre message écrit sur ma boîte mail mais je l’ai lu aujourd’hui, je passe pas du temps derrière un ordinateur, quand on a une journée un peu raccourcie, quand on a fini un chantier, on se dit « ah tiens j’ai le temps d’aller voir ma messagerie » alors j’y vais mais c’est pas tout le temps, alors quand je peux répondre, je réponds mais là je l’ai découvert tout à l’heure mais c’est bien ça m’a remémoré votre nom et votre prénom. C’est bien parce-que Jean-Charles [le responsable] est réactif, j’aime bien sa façon de travailler parce que c’est efficace, et c’est bien car il m’en a parlé tout de suite, j’ai dit « bah oui pourquoi pas », si ça peut aider des jeunes à faire des projets, à parler de la vie ou à parler d’un sujet intéressant ou qui peut ouvrir à une motivation, c’est vrai que ça peut être formateur pour certains, aider des gens à s’orienter. J’aime bien mon métier, on grimpe aussi dans les arbres, avec Jean-Charles on est grimpeurs élagueurs et je fais de l’escalade aussi. Ah il faut être sportif, ça c’est vrai, il faut aimer crapahuter, aimer se défouler. Pour recruter des gentes féminines au service d’un espace vert d’une collectivité, je pense qu’il faut avoir une capacité physique, c’est vraiment un point à relever pour que ce soit durable dans la fonction et si la motivation est derrière, c’est important. Aujourd’hui, c’est souvent ce qu’on reproche aux jeunes, c’est qu’ils ne savent pas trop dans quelle formation s’orienter, dans quel métier s’orienter mais c’est normal aussi, s’ils ne s’y connaissent pas trop, c’est pas simple, c’est pas simple hein mais c’est souvent en milieu de vie professionnelle qu’on sait pour quoi on est fait, qu’on peut considérer qu’on connaît un peu son équilibre et ce qu’on aime et c’est la satisfaction, enfin si au bout d’une journée on est contents d’avoir travaillé même si c’était physique ou en pleine nature et même si on en chie, si on est contents, si c’est ça qui vous rend heureux avec un bon équilibre alors pourquoi chercher autre chose hein, c’est ce que je me dis.
Ça fait 20 ans que je suis aux espaces verts, avant j’étais 10 ans fleuriste, à la sortie du lycée, c’était le métier qui embauchait le plus, le métier de la fleur coupée car ce sont des métiers qui demandent au personnel de travailler le dimanche, les jours fériés, et puis dans le commerce, avec des plages horaires longues, tout ça, donc souvent c’est un métier qui est recherché, dont on manque de personnel donc j’ai travaillé dans la fleur coupée puis après c’est en ayant mes enfants que j’ai changé d’orientation parce-que mes parents n’étaient pas trop sur place, mon conjoint pareil, lui il travaille dans la restauration donc pareil, des conditions de travail, des horaires pas faciles pour élever ses enfants et surtout trouver des moyens de garde pour les enfants c’est pas simple hein donc j’ai décidé de changer d’orientation et ça rentrait dans mes fonctions quand même parce que j’ai passé un CAP fleuriste, un BEP productions florales, ça répondait à la production et puis un métier de distribution de services, donc je répondais aux qualifications requises.
3. Comment votre métier a-t-il évolué par rapport au covid ? Comment percevez-vous votre métier dans 10 ans ou dans 20 ans ?
Dans les services communaux, maintenant on voit souvent des femmes au sein des services techniques alors qu’avant j’étais la seule femme au service technique donc c’était pas une population toujours facile mais ça va, j’ai réussi à être cool et puis à partir du moment où on est passionnés par son métier c’est le métier qui l’emporte, après les qu’en-dira-t-on, les propos qui peuvent vous être adressé parfois malveillants, ça passe au-dessus, puis franchement je suis tombée sur des gens bienveillants, plutôt sympathiques, toujours à l’écoute donc ça s’est vraiment bien passé.
Dans 10 ou 20 ans oui ça aura évolué, c’est un métier qui évolue de plus en plus et vers la mixité dans tous les sens du terme, oui ça change, ça évolue, aujourd’hui tout évolue. Maintenant on aimerait qu’il y ait un élan écologique qui soit encore plus grand mais ça vient, tout doucement, ça vient. Ah oui ça évolue, d’ailleurs moi j’ai appris des pratiques très anciennes, on utilisait beaucoup des produits phytosanitaires et puis grâce aux formations qui nous sont proposées par la collectivité, cela nous permet de nous remettre un peu à la page et d’avoir des choses dont on peut avoir besoin pour plus répondre aux besoins actuels de la société. A Maxéville on nous propose des formations par le biais du CNFPT [Centre national de la fonction publique territoriale] donc on peut suivre des formations sur plein de domaines, il faut se former aux nouvelles techniques.
On a énormément supprimé d’animations à cause du covid, l’automne on organise souvent des bourses aux plantes, la ville met donc à disposition par le biais d’un marché d’échanges des plantes de la ville, des végétaux et notamment celle qui est le plus appréciée c’est la bourse aux plantes d’automne parce que les bulbes qui ont permis de fleurir au printemps, souvent les tulipes, les jonquilles, les jacinthes, on les prend, on les reprend, on les déterre et on les met à la disposition de la population donc ils sont très contents de pouvoir en bénéficier gratuitement par biais d’échanges et donc l’absence de ces rencontres, des allées de jardins bien sympathiques, ça nous manque, ces rencontres avec la population, ça revient c’est bien, on a eu en automne et là le 6 mars il y a « jeux et familles en fête » qui arrive, on va participer au décor donc c’est bien, ça nous fait des actions un peu plus populaires, on peut se mettre un peu en avant, on est vus par les gens qui nous côtoient, ça permet de rencontrer d’autres services aussi parce que sinon on est tout le temps dehors à pousser une tondeuse, à bêcher les massifs et on voit personne donc le confinement, avec le covid c’est sûr que les relations c’est compliqué. C’est des personnes qui se sont proposées pour le premier confinement car ils ne supportaient pas d’être tout le temps isolés, ils voulaient sortir travailler et il y avait besoin d’entretenir la ville, il y a vraiment eu deux personnes qui se sont proposées à répondre à tous ces besoins, moi j’étais pas présente, présente sur une autre mission pour une personne qui en avait plus besoin.
La valeur du métier c’est l’amour de la nature, de l’environnement, embellir simplement, ce sont des valeurs de respect de l’environnement, ça c’est clair qu’aujourd’hui c’est un point essentiel parce qu’on a tellement abusé et puis même, même nous qui sommes dans la nature, on utilise énormément de machines qui polluent, tout ce qui est souffleur, tout ce qui est thermique, tondeuses thermiques et il y a encore plein de choses à voir concernant la protection de l’environnement dans notre métier, on a besoin de machines mais les machines ont besoin de carburant, qui pollue et nous qui nous en servons on est pollués, on peut embellir sans trop polluer avec des actions mécaniques mais qui dit mécanique dit la force des bras mais la force des bras, ça use après les personnes mais à ce moment-là il faut être moins exigeant, ne pas vouloir tailler un gazon comme un green de golf, mais les herbes genre pissenlits, pâquerettes, laisser la nature, parce qu’autrefois on voulait absolument que la mairie ait un gazon comme un tapis, un green de golf, mais pour avoir ce type de gazon il faut arroser, mettre du désherbant pour ne pas que les herbes viennent pour que ça fasse un tapis tout bien régulier et donc il faut être moins exigeant dans nos prestations, on peut embellir naturellement et puis respecter l’environnement, ça c’est sûr, moi je suis quelqu’un de sensible à ça, après il faut être motivé, végétaliser tout autour de nous, planter, mettre des arbres et des plantes partout où on peut, éviter de mettre trop de béton parce-que sinon ça inonde, on voit bien ces espaces qui sont bétonnés et qui lors d’un excès d’eau, ça inonde très vite, il faut respecter l’environnement, la bonne culture du sol, il faut respecter la nature tout simplement, c’est elle qui nous parle.
Je pense qu’on ne prête pas encore assez attention à notre métier, je pense qu’on pourrait avoir encore plus de place , il faudrait qu’on prenne plus de place encore, pour le bien-être de tous, pas pour autre chose hein c’est pour le bien-être de tous parce quand on vit dans une ville avec énormément d’espaces verts c’est quand même plus agréable, quand on a des espaces piétons, je suis pour une vague écologique, pour un développement de la nature plus grand parce que les terrains tout doucement gagnent toujours plus sur les espaces naturels en construisant, en réduisant de plus en plus les espaces naturels.
Les habitants sont reconnaissants, on a beaucoup de retours, quand on fait des beaux massifs fleuris ils sont contents d’avoir au pied de leur maison un quartier, un espace tout fleuri. C’est quand même un endroit quand il y a des espaces bien entretenus, les gens font attention, ils sont contents d’avoir ça, bon en contrepartie on a énormément de vandalisme aussi, il y a toujours des gens qui piétinent, des chiens qui grattent partout le travail. Après il faut savoir se rendre compte qu’il y a de la place pour tout le monde aussi. Les gens qui qui ne font pas de jardin, pas de lopin de terre ne se rendent souvent pas compte de la difficulté pour maintenir une plante en vie, dans une ville où c’est piétiné, où c’est à la merci de tout le monde. C’est du travail mais parfois c’est un peu un challenge de réussir un fleurissement ou un aménagement, c’est souvent vandalisé, souvent pas respecté mais ça c’est les sorties de soirées, on retrouve des fois les canettes dans les massifs. Mais bon il faut garder bon moral car si on ne veut plus intervenir à un endroit où on a déjà travaillé la semaine précédente, il faudrait intervenir régulièrement sur des lieux qu’on a déjà faits, il faut pas perdre espoir. Quand il y a énormément de densité de population c’est sûr que c’est compliqué de garder des espaces sans détritus, un espace propre donc il faut entretenir donc la présence de quelqu’un, des agents, sinon c’est abandonné, c’est piétiné, y’a plus de fleur, y’a plus de plante. Celui qui fait un peu attention peut le voir mais celui qui s’occupe pas du tout de ce côté-là regarde pas, roule sur les plantes avec sa voiture. Pour travailler dans ce métier en étant une femme, il faut avoir la passion du métier, il faut être à l’écoute des autres pour travailler en équipe, avoir un peu de son caractère mais pas trop non plus. Il faut être à l’écoute, donner des idées aussi, il faut essayer qu’il y ait des avis collégiaux, partager ses idées et essayer d’intervenir sur les mêmes idées pour que ce soit fait ensemble et que quand il y ait l’absence de quelqu’un, que cette personne puisse être remplacée facilement, que le travail puisse se faire sans même que la personne soit là, que si la personne n’est pas là ça se passe de la même façon. On doit travailler dans le même sens dans une équipe, avoir le même sens du travail.